Visiter une “usine à mouches” dans la Somme ou faire la tournée des crèches de Pantin en quête de couches culottes, c’est la facette insoupçonnée du tournage de Greentech Innovation, le podcast qui s’attache à raconter le pari de celles et ceux qui innovent pour une transition écologique réussie.
Deux années durant, en produisant le podcast Greentech Innovation, l’équipe d’Elson est partie à la rencontre de femmes et d’hommes qui ont décidé de consacrer leur travail à un espoir : celui d’un futur durable et (espérons-le) vivable. Car le constat de l’urgence écologique n’est plus à faire. Les rapports du GIEC se succèdent et partout, les conséquences du réchauffement climatique frappent les populations les plus vulnérables, c’est-à-dire les plus pauvres.
Une raison de résister à la résignation et à l’éco-anxiété qui touche 74% des moins de 25 ans : le point de non retour n’a pas encore été atteint. Dans son 6ème et dernier rapport, le GIEC laisse poindre l’éclaircie : il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré par rapport à la période préindustrielle.
Mais pour ce faire, il faut agir. Aujourd’hui. Les solutions existent, elles sont innovantes et disponibles : qu’attendons-nous pour les mettre en pratique ?
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Parmi les défis du siècle, on compte celui de l’eau. La crise de l’eau fait déjà rage partout dans le monde et les crispations autour de cette ressource ne cessent de croître. La part de la population mondiale exposée au stress hydrique augmente un peu plus chaque année.
Cela, Jean-François Guiderdoni et Jean-François Rossi en sont conscients. Leur start-up, Acwa Robotics (qui a remporté trois prix de l’innovation au CES de Las Vegas) a mis au point un robot intelligent capable d’arpenter les kilomètres de canalisations qui s’étendent sous nos pieds, pour…y jeter un coup d’œil. Car il est difficile de pouvoir faire l’état des lieux de réseaux de canalisations qui acheminent l’eau potable et sont enterrées depuis plusieurs décennies. La chenille autonome d’Acwa, bardée de capteurs, cartographie donc l’envers du décor. Elle donne à voir, en images de haute résolution, ce qu’aucune Régie de l’Eau ne peut détecter : l’état d’usure (les microfissures, la corrosion), la localisation d’éventuels problèmes sur le réseau, en bref les fuites à venir
Pour les deux Jean-François, qui ont connu l’époque révolue de l’eau gratuite, l’objectif est le même: oeuvrer pour un monde qui appartient déjà à leurs enfants.
Ressource vitale, l’eau est également une force motrice, source d’énergie. Towt , qui ambitionne de faire voguer ses bateaux-cargos sur tous les océans de la planète, l’a bien compris. A l’écoute des courants, Diana Mesa et Guillaume Le Grand veulent réinventer le transport maritime. Oubliez les hydrocarbures, matelots ! Les voiliers innovants de Towt transportent des marchandises à la seule force des vents. Cela a comme un air de déjà vu… En prime, des volontaires paient leur ticket pour effectuer la traversée et s’appliquent à monitorer l’état des océans pour le compte de missions scientifiques. Le projet ambitieux, larguera les amarres pour la première fois cette année. Et on ne vous cache pas qu’on est à deux doigts d’embarquer…
Souvent, l’eau est aussi une eau salie par nos usages quotidiens et le défi est alors celui de la dépollution. Le nettoyage des eaux usées, c’est le rôle des 22613 stations de traitement qui constellent le territoire. Mais cette dépollution a un coût: consommation d’électricité, impact sur le paysage et surtout production d’1 million de tonnes de boues d’épuration (en matière sèche) chaque année.
Pour réinventer la station d’épuration classique, Bernard Benayoun a fondé Bamboo for life. Avec un pari, celui de la « phytoremédiation ». La phytoremédiation, c’est le processus par lequel une plante dégrade, absorbe ou concentre des polluants. Si le roseau est déjà utilisé dans certaines stations dites classiques, Bamboo for life a misé, comme son nom le laisse deviner, sur le bambou. Grâce à un procédé d’innovation biologique (vive les bactéries !), les eaux usées sont nettoyées par la plante qui en absorbe les polluants. A la clé, une eau propre, des îlots de verdure pour les collectivités et une matière exploitable et valorisable : le bois de bambou.
Eau, textile, agriculture, déchets : des enjeux et des solutions multiples.
De l’eau au textile, il n’y a qu’un pas. Car l’industrie textile consomme 40 000 milliards de litres d’eau par an. Et le bilan social et écologique de cette industrie qui pèse plus de 10 milliards d’euros fait régulièrement la une de l’actualité. Et pour cause, les drames humains se succèdent aux scandales environnementaux. C’est face au constat sur l’opacité des processus de production textile que Julia Faure a lancé sa start-up Loom. Pour repenser le rapport au vêtement, pour produire moins, en toute transparence, et à un prix juste pour le consommateur. Le succès commercial est là, mais le parcours, dans une industrie qui peine (ou refuse?) à se réinventer, est semé d’embûches.
Pour remonter les chaînes de production des filières textiles, identifier les fournisseurs et leurs pratiques, Pascal Dagras, intrapreneur au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, travaille sur un projet : Ecobalyse , anciennement Wikicarbone . Le but, c’est d’évaluer l’impact écologique de la production (matière, filature) d’un vêtement. Et le travail à mener est “gigantesque” car dans l’industrie du textile, l’opacité règne en maître. D’autant que le piège de la seconde main (qui représente ¼ de nos gardes robes), marketé comme “plus écolo”, enferme le consommateur dans des habitudes de surconsommation. Le vêtement de seconde main est ainsi le plus souvent issu de la fast-fashion, alimente le secteur de la mode traditionnelle, pousse à vendre et acheter plutôt que de garder, et pollue (notamment à cause des émissions de CO2 liées au transport).
Autre start-up qui veut repenser notre rapport à la consommation : Spareka. L’entreprise vous propose de réparer vos appareils électroménagers au lieu de les jeter grâce à plus de 1000 tutoriels accessibles en ligne. Et si ça n’est pas réparable avec les moyens du bord, la start-up peut vous proposer la pièce détachée à changer. Le but ? Lutter contre l’obsolescence programmée, des objets cette fois ! Et c’est un pari gagné.
Autre pari audacieux, celui des Alchimistes et de leurs couches pour bébé innovantes car… compostables. De vraies “couches fertiles”, étonnantes, qui passent des fesses de bébé au jardin en se transformant en engrais.
Vincent Garcia et Martin d’Agay ont quant à eux fondé Kikleo pour s’attaquer au gaspillage alimentaire. Et ce, grâce à une caméra intelligente, capable de détecter ce qui reste au fond des assiettes de la restauration collective et finit trop souvent à la poubelle. Les deux anciens étudiants (qui ont lancé leur projet d’étude sur leur campus en partenariat avec les restaurants universitaires du Crous de Lyon ) travaillent aujourd’hui avec 60 restaurants dans tout l’hexagone et œuvrent à réduire le gaspillage alimentaire en salle comme en cuisine.
A propos d’alimentation, un steak de mouche, ça vous tente ? La start-up Innovafeed a bien l’intention de bousculer vos à-priori en transformant la mouche dite “du soldat noir”, Hermetia Illucens, en denrée pour l’alimentation végétale et animale. L’entreprise nous a ouvert les portes de son “usine à mouches” créée en 2020 à Nesle dans le département de la Somme. Une plongée déroutante dans l’univers de l’alimentation de demain .
Enfin, comment raconter la transition écologique sans aborder la question du logement, du transport ou encore de l’énergie ?
C’est chose faite avec Messina Guikoume, fondatrice de Messibat , qui ambitionne de transformer notre habitat. Son entreprise, fondée il y a 13 ans à Marseille, construit des édifices en terre crue (à partir de la terre excavée sur place) et érige les murs de ses bâtiments en conjuguant innovation et tradition : briques auto-bloquantes ou murs en pisé permettent de construire des bâtiments avec une bonne isolation thermique et phonique, plus respectueux de l’environnement car entièrement recyclables.
Particuliers, entreprises et pouvoirs publics : un défi commun
C’est dans ce même épisode, sur l’éco-construction, que l’on retrouve Quentin Dubrulle. L’entrepreneur souhaite, avec Unéole, rendre nos immeubles autonomes en énergie. Ses plateformes innovantes, apposées à même le toit des immeubles, en plein cœur des villes, allient énergie solaire et éolienne pour permettre à chacun de se lancer dans l’autoconsommation individuelle ou collective.
Quant à vos trajets quotidiens, Ecov, et son fondateur Thomas Matagne, développent sur l’ensemble du territoire des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prendrait le bus grâce à des partenariats publics. Peut-être covoiturerez-vous à bord d’un véhicule transformé par Tolv, anciennement Phénix Mobility , qui transforme les véhicules essence en les dotant de moteurs électriques.
A l’heure où les préoccupations environnementales nous rattrapent toujours plus vite, dressant un tableau pessimiste pour l’avenir de la planète, la production de ce podcast a été riche d’apprentissages et d’éclairages, ouvrant, avec ces solutions innovantes, un champ des possibles pour sortir de l’impasse écologique.
Ne reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute !
Article rédigé par Gaby Fabresse, avec l’aide de Safia Hadj-Abelkader et Carine Fillot